Un regard sur le film : Les amitiés particulières

DATE DE SORTIE :

13 janvier 2025

Les Amitiés Particulières de Jean Delannoy, un film sorti en 1964, est une œuvre poignante qui dépeint l’amour naissant entre deux jeunes garçons dans le cadre strict et répressif d’un internat catholique. À travers une histoire pleine de tendresse et de douleur, le film traite de l’homosexualité dans une époque où celle-ci était considérée comme une transgression de l’ordre moral et social, dénonçant subtilement l'homophobie institutionnalisée et l’influence oppressive de l’Église. C'est un film où l'émotion et la répression se rencontrent, et où l’amour interdit devient une forme de résistance silencieuse face à la violence de l’homophobie.

FHAR photo 1 article de blog

Une déclaration d’amour sous silence : l’émotion à fleur de peau


Dès le début du film, le spectateur ressent une émotion palpable à travers les regards furtifs, les gestes timides et les sourires discrets qui se partagent entre Georges et Alexandre. L'amour entre les deux garçons n'est jamais exprimé de manière verbale évidente, mais plutôt par une tension implicite, par l’intensité de chaque geste. C’est un amour qui ne peut être avoué, qui se cache dans les interstices de la vie quotidienne, dans les moments volés. Ce film fait écho à ces amours qui, pendant trop longtemps, ont été condamnés à l'invisibilité, où chaque déclaration de sentiments devient un acte de courage et de rébellion face à la société.


L’amour de Georges pour Alexandre se révèle comme une
douce souffrance, une émotion pure qui transcende la peur du jugement. Dans chaque scène, le poids de l’interdit se fait ressentir de manière subtile mais dévastatrice. Il suffit parfois d’un simple contact de la main ou d’un regard échangé pour que l’on perçoive la profondeur du lien qui unit ces deux jeunes hommes. Chaque instant partagé devient une déclaration silencieuse, une reconnaissance de ce sentiment intense mais réprimé.

L’homophobie institutionnalisée : l’Église et l’internat comme symboles de répression

L’internat, tel qu’il est représenté dans le film, n’est pas seulement un lieu d’éducation, mais un véritable microcosme d’oppression. La figure du prêtre supérieur incarne cette autorité morale et religieuse qui impose une vision stricte de la sexualité, excluant toute possibilité d’amour homosexuel. L’internat, en tant qu’institution religieuse, devient l’image de la société dans son ensemble, où l'homosexualité est un péché à expier, un comportement immoral à condamner.


L’un des moments les plus poignants du film survient lorsque Georges et Alexandre sont contraints à la séparation, une décision violente dictée par cette
autorité qui réprime tout ce qui dévie de la norme hétérosexuelle. L’internat représente l’institution religieuse qui écrase l’épanouissement personnel au nom de valeurs morales rigides. Ce n’est pas seulement une séparation physique, mais une rupture de la possibilité d’une vie libre et d’une expression authentique de l’amour. C’est ici que l’homophobie se manifeste dans toute sa brutalité, avec la violence de l’interdiction morale et sociale.

La souffrance de l’amour réprimé : une tragédie émouvante

Le film présente l’homosexualité sous un jour tragique, accentué par la répression systématique de l’amour entre les deux garçons. Cette souffrance est d’autant plus palpable qu’elle est vécue dans la solitude, dans un monde où la tendresse et les sentiments sont invisibles, condamnés à être niés. Le regard désespéré de Georges, après sa séparation forcée d’avec Alexandre, est un instant crucial du film. Ce regard, marqué par la douleur et la perte, est un cri silencieux contre une société qui nie l’existence même de l’amour qu’il a partagé.

FHAR photo 2 article de blog

L'émotion est d'autant plus forte que l'amour entre Georges et Alexandre est innocent, pur dans sa simplicité. Ils ne se voient pas comme des "rebelles"  mais comme deux âmes qui se reconnaissent, dans un monde où cet amour est considéré comme une aberration. C'est une tragédie douce-amère, où l'innocence se heurte à l’incompréhension et à la répression des autres, en particulier des figures d’autorité.


Une critique subtile de l’homophobie sociale et religieuse

Les Amitiés Particulières ne se contente pas de raconter une histoire d’amour interdite ; il interroge profondément sur la manière dont la société et les institutions religieuses répriment l’amour homosexuel. Le film dévoile la violence subtile de la culpabilisation sociale, où l’homophobie ne se manifeste pas seulement par la violence physique, mais aussi par la culpabilité intérieure imposée aux individus. Les garçons, bien qu’ils ne puissent pas vivre pleinement leur amour, sont marqués par cette culpabilité, ce sentiment de "faute" qui est cultivé dans les couloirs de l’internat et des églises.


La dénonciation de l’homophobie dans ce film est insidieuse, elle n'est jamais directement exprimée, mais elle est présente dans chaque scène, chaque regard furtif. Le film ne crie pas son message, il le laisse se distiller, se diffuser dans les
gestes et les silences, dans les non-dits.


Conclusion : un amour interdit, un combat silencieux contre l'homophobie

En définitif, Les Amitiés Particulières est un film d’une grande puissance émotionnelle, qui témoigne d’une époque où l’homosexualité était vue comme un tabou, une déviance. À travers le regard des deux jeunes garçons, le film nous fait ressentir la douleur de l’amour réprimé, mais aussi la beauté de cet amour qui persiste, malgré tout. La souffrance des personnages devient un cri silencieux contre une société et une institution religieuse qui ne tolèrent pas la diversité des sentiments humains.


Aujourd’hui, alors que le monde
a évolué dans la reconnaissance des droits des personnes LGBTQ+, ce film reste un témoignage précieux de l’histoire de l’homophobie et de l’amour interdit. Il nous rappelle que l’amour, quelle que soit sa forme, mérite d’être vécu librement et sans honte, et qu’il est toujours possible de dénoncer les oppressions, même sous le masque de la répression et de la souffrance.


Retrouvez la fiche du film ici , ainsi que le film dans notre vidéothèque gratuit en cliquant ici.

Publié & écrit par :



Emma out cultures

Charlie

MELENDRE

Rédaction

Ce que vous pourriez aimer

Vignette Le mot « Lesbienne » : de Sappho à Monique Wittig
30 avril 2025
L’histoire de la poétesse grecque Sappho, née sur l’île de Lesbos, figure emblématique de l’amour entre femmes. Son œuvre, bien que partiellement conservée, a traversé les siècles et donné naissance au mot « lesbienne ». Ce terme, au-delà de sa portée littéraire, est devenu un symbole politique fort grâce à des militantes comme Monique Wittig, incarnant une identité résistante face à l’ordre patriarcal.
Vignette article L lesbienne OUT CULTURES
28 avril 2025
Pourquoi le « L » en premier dans LGBTQIA+ ? Une reconnaissance historique du rôle essentiel des lesbiennes dans la lutte et la solidarité au sein de la communauté.
Vignette film Queer article
1 mars 2025
Dans Queer de Luca Guadagnino, Daniel Craig livre une performance intense dans un film à l'esthétique poétique, inspirée de Cocteau. Un voyage visuel et émotionnel inoubliable.
Vignette article mariage pour tous
25 février 2025
Découvrez l'histoire du Mariage pour Tous en France, une bataille pour l'égalité des droits, portée par des figures engagées face à l'intolérance.